LES FACTEURS DE L’INSOMNIE CHRONIQUE

Sa prévalence est élevée, elle touche 35 % de la population dont 9 à 10 % de façon chronique et 25 % plutôt de façon occasionnelle. Elle a tendance à augmenter avec l’âge puisqu’un tiers des sujets de plus de 65 ans déclare souffrir d’une insomnie plus ou moins continue. À remarquer également que les femmes sont plus nombreuses à se plaindre d’insomnie (+ 1,5 %) alors que le sommeil semble de plus mauvaise qualité chez les hommes. Cela pourrait peut-être s’expliquer par l’existence de problèmes respiratoires liés au sommeil. 

DÉFINITION

L’insomnie est caractérisée simplement lorsque le sujet se plaint de difficultés à trouver le sommeil, d’insuffisance de sommeil ou encore de sommeil non récupérateur. L’insomnie est passagère lorsque les troubles sont inférieurs à 3 semaines, et l’insomnie est chronique si elle est supérieure à 1 mois avec des altérations du sommeil au moins 3 fois par semaine. 

Il existe plusieurs types de plaintes, donc plusieurs types d’insomnie : 

  • l’insomnie liée à des difficultés d’endormissement (souvent supérieur à 30 minutes),
  • l’insomnie liée à des éveils nocturnes prolongés (souvent de durées supérieures à 30 minutes), 
  • l’insomnie liée à des difficultés de maintenir le sommeil avec un réveil jugé trop précoce,
  • l’insomnie liée à des nuits blanches (réelles ou perçues).. 

Par conséquent, la personne est qualifiée d’insomniaque si elle a des difficultés à s’endormir, si elle considère la durée totale de son sommeil trop courte, si elle a l’impression que son sommeil est léger et superficiel, si elle à l’impression de ne pas avoir dormi, si elle se réveille plusieurs fois dans la nuit, si elle se sent fatiguée au réveil… 

On classe aussi les insomnies en fonction de leurs origines comme proposé par Michel Billiard, spécialiste du sommeil :

  • les insomnies primaires qui sont l’ensemble des insomnies pour lesquelles on ne retrouve pas de cause médicale ou psychiatrique, notamment celles qu’on appelle insomnie psychophysiologique
  • les insomnies secondaires qui sont dues à des maladies intercurrentes, à des troubles organiques, à des problèmes psychiatriques, à des substances toxiques, à des troubles du rythme veille-sommeil.

L’INSOMNIE PSYCHOPHYSIOLOGIQUE

L’insomnie psychophysiologique désigne les insomnies pour lesquelles on ne retrouve pas de cause médicale ou psychiatrique. Toutefois, cela ne signifie pas obligatoirement que le sujet ne souffre pas d’autres troubles, somatiques ou psychiatriques, mais ils ne sont pas à l’origine de la plainte. Cette insomnie apparaît très souvent à la suite d’un choc émotionnel (deuil, rupture, licenciement, etc.), d’un gros stress (accident, naissance, déménagement, etc.) ou d’un burn-out (surmenage mental et/ou physique). Dans la majorité des cas, cette insomnie s’installe sournoisement car le dormeur alterne des phases de mauvaises nuits et des phases de bonnes nuits. Puis, le dormeur entre dans un conditionnement négatif de son sommeil, il adopte des pensées et des comportements qui vont maintenir ou aggraver son insomnie. Ainsi, l’insomnie psychophysiologique se met en place grâce à des facteurs prédisposants, des facteurs précipitants et des facteurs de maintien. Une des explications probables à l’insomnie chronique primaire serait une hyperactivité du mécanisme d’éveil qui empêcherait le bon fonctionnement des mécanismes du sommeil.

Les facteurs prédisposants

Ce sont les facteurs qui existent avant l’apparition des troubles et qui rendent certaines personnes plus vulnérables que d’autres à l’insomnie. Ces facteurs rendent compte de l’hyperéveil du sujet au niveau physiologique, cognitif et émotionnel.

Parmi ces facteurs prédisposants, on trouve :

  • Des facteurs génétiques avec des antécédents de mauvais dormeur dans la famille ; 
  • Des facteurs physiques avec une hyperactivation des système de stress (système nerveux sympathique, axe hypothalamo-hypophysaire, corticolibérine), une fréquence cardiaque, une température corporelle plus élevée, un dysfonctionnement des mécanismes qui régulent le sommeil, déficit en mélatonine ; 
  • Des facteurs cognitifs avec certains traits communs de personnalités (perfectionniste, anxieux, mental, négatif hypocondriaque, contrôlant, hyperémotif…) ;
  • Des facteurs émotionnels avec une histoire personnelle marquée par des événements stressants ou traumatisants ;
  • Des facteurs sociaux et professionnels qui amènent à des troubles chroniques du sommeil (horaires professionnels décalés, partenaire de lit qui ronfle, etc.).

Les facteurs précipitants

Ce sont les facteurs qui vont déclencher l’insomnie aiguë initiale. Comme nous l’avons mentionné précédemment, ces facteurs peuvent être un événement de vie stressant (changement d’environnement ou de travail, deuil, naissance), mais aussi après un épisode infectieux, un surmenage physique et intellectuel, un traitement médicamenteux, des troubles somatiques (pensées excessives et comportements inadaptés). Il est normal d’être sujet à une insomnie après un bouleversement, mais cette insomnie ne doit pas s’installer et devenir chronique.

Les facteurs de maintien

Ce sont les facteurs qui conduisent à l’insomnie chronique. Très souvent, nous mettons en place des stratégies pour récupérer le manque de sommeil mais ces stratégies aggravent en réalité notre insomnie. Nous entrons alors dans un cercle vicieux, avec des pensées et un conditionnement négatif de notre sommeil qui alimentent l’angoisse de ne pas dormir. Mais plus on angoisse, plus on a du mal à dormir. 

Parmi ces facteurs de maintien, on trouve : 

  • l’augmentation du temps passé au lit en attendant que le sommeil vienne, en cherchant à le provoquer dans l’espoir de dormir davantage ;
  • l’association négative entre le lit et le sommeil car l’insomniaque associe son lit de plus en plus à l’insomnie ;
  • pensées inappropriées pour le sommeil comme la volonté de performance, une focalisation sur ses attentes, une crainte de ne pas dormir, une surestimation des conséquences de l’insomnie, etc. 
  • les comportements qui associent le lit à l’éveil comme regarder la télévision en espérant s’endormir devant, manger dans le lit car on préfère rester dans sa chambre, etc. 
  • la prise de somnifères sur le long terme car cela modifie l’architecture du sommeil avec une diminution du sommeil lent profond.
  • etc.

S’il est difficile d’agir sur les facteurs prédisposants de l’insomnie, il est en revanche toujours possible d’agir sur les facteurs de maintien de l’insomnie. Cette insomnie se résout très bien sur le long terme avec la thérapie comportementale et cognitive de l’insomnie (voir p. 41). Couplé à une prise en charge de la santé, notamment intestinale, du repos mental, des exercices pour calmer le système nerveux, vous augmentez les chances de retrouver un sommeil de qualité. 


MAUVAISE PERCEPTION DU SOMMEIL

Grâce à des examens en laboratoire, on a constaté qu’il n’est pas rare de trouver un sommeil similaire entre ceux qui affirment bien dormir et ceux qui se disent insomniaques. Pourquoi ces résultats surprenants ? Dans les deux cas, il y a la présence naturelle d’éveils nocturnes, mais la seule différence est la perception de leur sommeil : les bons dormeurs n’ont pas conscience de s’être réveillés et les insomniaques se plaignent de ne pas avoir dormi.


LES INSOMNIE SECONDAIRES

Les insomnies secondaires, appelées aussi insomnies co-morbides, sont des insomnies dues à des comorbidités médicales (maladies cardio-vasculaires, maladie de Lyme, diabète, RGO, douleurs, etc.), à des comorbidités psychiatriques (dépression, schizophrénie, psychose, bipolarité, etc.), à d’autres troubles survenant pendant le sommeil (syndrome des jambes sans repos, syndrome des mouvements périodiques nocturnes des jambes, apnées du sommeil), ou encore à la prise de médicaments qui perturbent le sommeil. Elles représentent environ 60 % des cas d’insomnies chroniques. Pour régler ces insomnies, il faut donc régler la maladie en amont. Mais on constate aussi les effets bénéfiques de la thérapie comportementale et cognitive de l’insomnie dans la prise en charge et même la prévention des comorbidités médicales ou psychiatriques. Néanmoins, l’application de la thérapie comportementale et cognitive peut présenter des risques sur certains sujets sensibles atteints de bipolarité et d’épilepsie.

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