LES LIMITES DU JEÛNE
BLOG

LES LIMITES DU JEÛNE

Thierry Casasnovas
L'ÉQUIPE RGNR
12/02/2024

Le jeûne est un outil puissant, et comme tout outil, il demande à être maîtrisé. Nous allons aborder les limites de son utilisation afin d’éviter toute contre-productivité et mise en danger. Capacité adaptative de l’individu, constitution, vitalité, capacité émonctorielle, respect des phases cataboliques et anaboliques sont autant de critères essentiels à prendre en compte pour que l’expérience du jeûne soit bénéfique. Et si dans l’absolu tout le monde peut jeûner, la façon de le faire, la durée et l’intensité vont devoir être ajustées individuellement.

MAUVAISE PRÉPARATION

La descente alimentaire est importante, surtout si le jeûne envisagé est long et si les habitudes alimentaires de la personne sont mauvaises depuis longtemps. Premièrement, pour un individu qui n’a jamais jeûné, la privation soudaine peut provoquer un vrai choc, car l’organisme n’a pas appris à stocker de grandes quantités de glycogène ou parce que le stock de graisse brune est limité (plus le corps possède de graisses blanches, plus la personne va se sentir léthargique pendant le jeûne). Deuxièmement, plus le jeûne est long, plus il va mobiliser également le système nerveux et hormonal. Il faut donc respecter une durée de descente alimentaire proportionnelle à la durée du jeûne, soit généralement deux fois la durée du jeûne environ (ex : deux semaines de descente pour une semaine de jeûne). Troisièmement, plus le corps est intoxiqué par des années de malbouffe, plus il faut être extrêmement vigilant avec la remise en circulation des toxines provoquée par le jeûne car elle peut entraîner une auto-intoxication. C’est pourquoi, pour les personnes ayant un long passif de mauvaise alimentation, il est nécessaire de passer d’abord à une alimentation saine sur plusieurs semaines à plusieurs mois avant de se lancer dans un jeûne.

NON-RESPECT DE L’ALTERNANCE CATABOLISME/ANABOLISME

Trop souvent nous focalisons notre attention uniquement sur la privation de nourriture, ce qui nous pousse parfois à chercher des records de durée en pensant que plus le jeûne est long, mieux c’est. Cette erreur a entraîné beaucoup de personnes à aller trop loin et à se faire malheureusement du mal... Il ne faut jamais oublier que le corps a besoin d’un équilibre entre la phase d’anabolisme associée généralement au repos et la phase de catabolisme associée généralement à l’action. 

Certains associent le jeûne à la phase anabolique parce que les fonctions digestives cessent, et associent le retour à l’alimentation à la phase catabolique parce que les fonctions digestives reprennent. Pourtant il est plus juste de considérer le jeûne comme la phase catabolique parce que le corps détruit ce qui doit être évacué et consomme ses propres ressources (c’est un moment d’intense activité à l’intérieur du corps), et le retour de l’alimentation comme la phase anabolique parce que le corps reconstruit ses stocks. En effet, dans le vivant le repos n’existe jamais, c’est pourquoi il est plus adéquat de parler en terme d’anabolisme et de catabolisme que de repos et d’action. 

Premièrement, si la phase de jeûne dure trop longtemps par rapport à ce que peut tolérer l’organisme, alors cela conduit inexorablement à l’épuisement des réserves vitales et les dommages peuvent être importants. Le jeûne ne doit pas vous faire basculer dans l’état de famine et d’épuisement nerveux. La phase de retour à l’alimentation est tout aussi importante que la phase de privation, on peut l’appeler aussi “phase d’intégration” car c’est la phase où le corps intègre l’expérience et démarre la reconstruction. C’est pourquoi on perçoit les résultats concrets du jeûne sur l’organisme au moment de la réalimentation, bien après la phase de privation. Beaucoup de personnes se méprennent en prolongeant le jeûne jusqu’à ce qu’elles voient les résultats espérés, malgré les signes contraire du corps. 

Deuxièmement, si vous envisagez de faire plusieurs cycles de jeûne, il faut aussi laisser au corps des phases de reconstruction suffisantes en durée et en qualité après le jeûne. En règle générale et en sachant que tout ceci demande à être individualisé, nous parlerons d’une phase de réalimentation deux à trois fois plus longue au minimum que la durée du jeûne. Veuillez bien noter que le non-respect suffisant de ce temps d’anabolisme conduit non seulement à l’épuisement global de l’individu mais fait perdre aussi les bénéfices escomptés de la phase de privation de nourriture préalable.

NON PRISE EN COMPTE DE LA SPÉCIFICITÉ INDIVIDUELLE

En naturopathie, on distingue deux grands types de constitution : les « neuro-arthritiques » appelé par Thierry les « grands maigres déminéralisés » (individu long et fin, peau p'le, très nerveux, troubles digestifs, sautes d’humeur, grande sensibilité émotionnelle, frilosité avec un système adaptatif faible) et les « sanguino-pléthoriques » appelé par Thierry “les gros rigolos” (individu trapu à tendance en surpoids, peau rouge surtout au niveau du visage, bon vivant, extrémités chaudes, moral stable, bonne vitalité). Bien sûr ce sont deux représentations caricaturales et toutes les possibilités existent entre ces deux extrêmes.

Les profils à tendance « neuro-arthritiques » présentent des faiblesses adaptatives y compris dans l’adaptation au manque d’alimentation. Ils ont souvent peu de réserves métaboliques (macro et micro nutritionnelles) donc le jeûne long ne sera pas adapté pour eux, cela pourrait les conduire à un burn-out. Ils ont plutôt besoin de stimulation avec des séries de jeûne sec court de type 16/8 ce qui leur permettra de se renforcer, de reprendre au besoin du poids et de l’énergie.

Les profils à tendance “sanguino-pléthoriques” disposent d’une capacité adaptative bien plus forte et des réserves nutritionnelles souvent plus abondantes. En plus d’en avoir la capacité, ils ont souvent besoin d’un nettoyage profond de leur organisme car souvent très encombré de déchets métaboliques. Pour ces personnes, il est possible d’effectuer des jeûnes longs qui permettent de consommer les stocks de graisse de l’organisme, normaliser la pression sanguine, équilibrer la glycémie et réaliser un nettoyage. Le jeûne hydrique sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sera l’option à priori la plus adaptée pour cette constitution. 

Il faut tenir compte de votre vitalité, de votre constitution, de vos réserves et de votre capacité adaptative.

NON PRISE EN COMPTE DE LA CAPACITÉ ÉMONCTORIELLE

Le jeûne déclenche un processus de détoxification du corps qui se traduit par la libération de déchets toxiques (qui étaient stockés dans les tissus) dans le sang et dans la lymphe. Cette remise en circulation est préalable au processus d’élimination qui consiste à évacuer ces déchets vers le milieu extérieur gr'ce aux différents émonctoires principaux (reins, intestins, poumons, peau) et secondaires (menstruation pour les femmes, divers écoulements). Plus l’organisme est intoxiqué, plus la quantité de déchets remis en circulation sera importante et les symptômes également. Comme nous l’avons évoqué plus haut, dans ce cas, il sera nécessaire de passer d’abord à une alimentation hypotoxique avant d’envisager un jeûne. Un autre cas se présente lorsque la vitalité est faible et/ou les émonctoires sous-actifs, alors la vitesse de détoxification dépasse la vitesse d’élimination ce qui va aussi se traduire par des symptômes importants qui peuvent devenir insupportables, voire même une auto-intoxication, qui pourrait demander à interrompre le jeûne. Pour les personnes ayant des faiblesses émonctorielles, il est préférable de se tourner vers le jeûne sec qui, non seulement permet le repos des reins, mais aussi la combustion des déchets de l’intérieur gr'ce à la chaleur. Dans tous les cas, préparer ses émonctoires préalablement à un jeûne est toujours bienvenu. Pour une préparation immédiatement avant le jeûne, vous pouvez faire une purge la veille avec par exemple 20 g de sulfate ou de chlorure de magnésium dans un grand verre d’eau tiède. Veillez à boire au moins un litre d’eau après. Vous pouvez aussi préparer votre corps bien en amont gr'ce à la prise de différentes préparations de plantes médicinales spécifiques.

ALIMENTATION INAPPROPRIÉE EN PARALLÈLE

Incontestablement, le jeûne nous apporte énormément de bénéfices mais il ne compensera jamais totalement un mode de vie déséquilibré. Jeûner en ayant une hygiène alimentaire déplorable pourra entraîner de très mauvaises expériences. Afin de pérenniser les avantages obtenus et même d’optimiser les effets du jeûne, il est fondamental d’adopter une alimentation et un mode de vie sain en parallèle. Le jeûne ne devrait être un outil de secours, une excuse ou un moyen d’atténuer les conséquences de nos excès quotidiens. 

Nous souhaitons également attirer votre attention sur une démarche inverse, considérée comme orthorexique. Certaines personnes passent par une obsession de nettoyage lorsqu’elles découvrent l’alternatif. Elles vont donc coupler du jeûne, des purges, et une alimentation strictement végétale par exemple. Si la personne est intoxiquée, ces associations vont permettre une accélération du nettoyage et des changements des paramètres du terrain, ce qui peut apporter une transformation rapidement positive avec un regain d’énergie. Mais si la personne poursuit très longtemps dans cette voie, cette recherche de la pureté peut amener la personne à aller trop loin dans la phase destruction (catabolisme), car même si l’alimentation en parallèle est jugée saine parce que sans viande, sans produits laitiers et non transformée, si elle est trop riche en glucides et trop pauvre en protéines et lipides il n’y aura pas de reconstruction suffisante derrière, ce qui va amener une dégradation de la santé. En effet, les glucides amènent surtout l’énergie, alors que les protéines et les lipides amène les matériaux de construction (anabolisme) qui est nécessaire après la phase de destruction. L’alimentation, bien que saine, doit être suffisamment nourrissante derrière.

CONTRE-INDICATIONS GÉNÉRALES AU JEÛNE

Le jeûne va être généralement déconseillé :

  • aux femmes enceintes et allaitantes car il pourra entraînter un ralentissement de la croissance foetale, un risque de fausse couche ou de naissance prématurée, une production lactée affectée. Pour les femmes allaitantes, un jeûne court de type intermittent ne semble pas poser de vrai problème. 
  • aux enfants et aux adolescents car il peut entraîner un ralentissement de la croissance et du développement pubertaire ; 
  • aux personnes 'gées car ils ont tendance à avoir une moindre vitalité, à perdre du poids trop rapidement et à être sujets aux carences. Là encore cela demande une adaptation, nous mettons donc en garde contre une pratique trop radicale et non individualisée pour ces catégories de personnes, mais en parallèle les effets bénéfiques du jeûne sur les capacités cognitives ne peuvent être ignorées ;
  • aux personnes dénutries, dévitalisées et émaciées car l’effet catabolique de la privation d’alimentation risque d’être trop important et d’occasionner des troubles organiques. On peut aussi supposer que bien pratiqué de façon adaptée, le jeûne pourrait proposer une solution à ces personnes ;
  • aux personnes en cachexie et en anorexie mentale car les réserves du corps sont trop faibles et l’obsession de la maigreur conduit à des comportements dangereux pour la personne ; 
  • aux personnes ayant des problèmes rénaux et hépatiques importants car on estime qu’ils n’ont pas des émonctoires suffisamment fonctionnels pour supporter des nettoyages profonds, bien qu’on pourrait imaginer que des petits jeûnes pourraient au contraire de sortir de ce cercle vicieux ;
  • aux personnes sujettes à l'hyperthyroïdie décompensée car ces personnes ont tendance à perdre facilement du poids, et le jeûne peut aggraver la situation, on se tournera alors plus vers des courtes diètes qui miment le jeûne ; 
  • aux personnes sous traitement médicamenteux car certains médicaments peuvent mal interagir avec le jeûne, il est nécessaire de consulter son médecin ; 
  • aux personnes sujettes aux troubles du comportement alimentaire car cela risque d’aggraver cette tendance, bien que quelques personnes témoignent du contraire, sans être toutefois généralisables.
Le Blog RGNR