JOUER SUR LES FACTEURS QUI INFLUENCENT LE SOMMEIL POUR MIEUX DORMIR
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JOUER SUR LES FACTEURS QUI INFLUENCENT LE SOMMEIL POUR MIEUX DORMIR

Thierry Casasnovas
L'ÉQUIPE RGNR
14/02/2024

Le sommeil dépend étroitement de nos horloges biologiques internes, notamment de notre horloge circadienne. Dans cet article, nous allons voir les principaux facteurs que l'on appelle synchroniseurs externes de l'horloge biologique, zeitgebers ou encore donneurs de temps qui influencent et ajustent nos horloges biologiques. 

LA LUMIÈRE

La lumière est le facteur le plus influent sur notre horloge biologique interne : le rythme circadien se synchronise avec les variations de lumière tout au long de la journée. Au niveau physiologique, lorsque les cellules de la rétine reçoivent l’information de la lumière, le cerveau bloque la production de la mélatonine, une hormone sécrétée par la glande pinéale (aussi appelée épiphyse) qui provoque la diminution de la température corporelle et induit la somnolence pour faciliter l’endormissement. L’absence de mélatonine favorise donc l’éveil et la vigilance. Sa sécrétion augmente donc avec l’obscurité avec des taux élevés, jusqu’à 10 fois plus la nuit que le jour. Le pic de sécrétion de la mélatonine se situe vers 2-3 h du matin et la sécrétion persiste plusieurs heures (en moyenne 8 à 10 heures). Ainsi, nous devons être vigilants quant à la durée d’exposition, à l’intensité et au spectre de couleurs de la lumière car ils auront des conséquences profondes sur notre sommeil. La mélatonine va être particulièrement sensible à la lumière de forte intensité de l’ordre de 2 500 lux mais aussi à la composante bleue de la lumière très présente dans les éclairages LED et la lumière issue des écrans e, même si celle-ci est de faible intensité. La lumière bleue n'est pas perçue comme bleue à l'état naturel par l'œil humain. Il s'agit d'une petite fraction "bleu-violet" du spectre lumineux. Cette fraction se trouve entre les rayons ultraviolets. La particularité de la lumière bleu-violet, ce sont ses ondes remarquablement courtes. Ces ondes courtes pénètrent profondément dans la rétine. Cette lumière bleue stimule et soutient notre capacité d'attention, et donc à l'inverse perturbe notre endormissement. Elle est aussi irritante pour l'œil.

Afin de bien synchroniser notre horloge biologique, il est efficace de nous exposer à la lumière naturelle dès le matin et idéalement au moins 30 minutes. Notez que plus nous nous exposons tôt à la lumière, plus nous avançons notre horloge. Le soir, il est préférable de favoriser les faibles éclairages artificiels aux couleurs chaudes et surtout d’éviter les écrans (télévision, ordinateur, smartphone…) dont la lumière émise est très riche en composantes bleues afin d’éviter de perturber la sécrétion de mélatonine. Des chercheurs1 alertent en effet sur les sérieux dangers des écrans qui retardent l’endormissement, qui raccourcissent la durée et altèrent la qualité du sommeil, qui accentuent la fatigue et les performances cognitives, et qui amènent à des insomnies chroniques. Les personnes ayant le cristallin plus transparent pourront souffrir d’une perte rapide et irréversible de la vision. 

1 Source : Light level and duration of exposure determine the impact of self-luminous tablets on melatonin suppression, 2013 (Wood, Rea, Plitnick et Figueiro)

LA TEMPÉRATURE

Il est démontré que la température du corps a une grande influence sur les rythmes veille-sommeil. Notre température corporelle suit un rythme qui ne dépend pas du fait que l’on dorme ou pas. En temps normal, la température augmente en journée et atteint son pic vers 17 h, pour diminuer pendant la nuit avec un minimum vers 4 h du matin. C’est la fonction de la glande thyroïde de produire des hormones qui vont réguler le métabolisme et donc la température. La fenêtre de sommeil optimal se situe entre le moment où la température corporelle commence à bien diminuer et le moment où la température corporelle commence à remonter. C’est pourquoi, lorsque la température du corps augmente, cela favorise naturellement l’état d’éveil et de vigilance. À l’inverse, lorsque la température du corps baisse, cela favorise la somnolence et l’endormissement. Rester éveillé trop longtemps se traduit par une baisse de la température centrale, c’est pourquoi vous avez peut-être déjà ressenti une sensation de frilosité après une nuit blanche. L’action de la mélatonine sur la chute de la température le soir va être d’autant plus marquée que la température corporelle était élevée dans la journée. Autrement dit, plus la température corporelle est élevée en journée, plus elle augmente la qualité d’éveil le jour et la pression de sommeil le soir. À noter que la prise de certains médicaments comme le paracétamol entrave l’augmentation de la température corporelle au cours de la journée, ce qui peut engendrer des difficultés d’endormissement. Une bonne activité physique, des bains de soleil, du sauna, du hammam ou des bains chauds en journée participent à augmenter la température de l’organisme. 

L’ACTIVITÉ PHYSIQUE

Comme nous l’avons évoqué précédemment, l’activité physique pratiquée dans la journée augmente la température corporelle, ce qui a pour conséquence d’avoir un effet éveillant en journée et d’augmenter la pression de sommeil le soir. On recommande particulièrement les sports d’endurance tels que la course, la danse, ou encore la natation car ils participent à augmenter le sommeil profond. Avoir une activité physique tout au long de la journée est idéal, cela améliore la qualité d’éveil. Mais si vous pratiquez un sport une seule fois dans la journée, l’idéal est de le faire autour de 17 h, l’horaire où la température du corps atteint un pic. C’est d’ailleurs à cet horaire que les meilleurs exploits sportifs sont souvent réalisés. Cependant, comme il faut laisser le temps au corps de faire baisser progressivement sa température le soir, il est déconseillé de faire du sport dans les 4 heures précédant le sommeil. Mise à part son action sur la température corporelle, l’activité physique permet aussi de rel'cher les tensions et de fatiguer le corps, ce qui favorise aussi le sommeil profond et réparateur. En revanche, le manque d’activité physique et la sédentarité en général occasionnent une diminution de la pression de sommeil. Par exemple, beaucoup d’insomniaques ou de personnes épuisées passent beaucoup de temps allongés en journée pensant pouvoir récupérer, mais ils contribuent au contraire à diminuer la quantité et la qualité du sommeil le soir.

L’ALIMENTATION

Notre alimentation a un impact sur notre sommeil à plusieurs niveaux. Premièrement, l’horaire et la rythmicité des repas vont participer à synchroniser notre rythme circadien avec notre activité. Nous n’avons pas d’horloge interne qui détermine génétiquement l’heure du repas, mais nous avons un gène appelé « Period » qui est capable de chronométrer le temps qui passe, de prévoir la synchronisation entre la nourriture disponible et l’éveil, et donc d’anticiper l’heure des prises alimentaires. Ainsi, si vous souhaitez être synchronisé(e) avec une activité en journée et avec le repos la nuit, il va être important de manger le jour à des heures fixes bien réparties en établissant le dîner au moins deux heures avant le coucher. Le petit déjeuner le matin aura une importance pour les personnes sujettes à un(e) déphasage/désynchronisation car cette prise alimentaire matinale va envoyer au corps un signal d’éveil et de démarrage pour notre horloge interne. À l’inverse, il faudra éviter de grignoter tout au long de la journée ou de vous lever la nuit pour manger si vous souhaitez synchroniser le rythme de la digestion avec les fluctuations de la température corporelle et le rythme du sommeil. Pour une personne qui a un travail de nuit, il est même recommandé de garder ses repas la journée, quitte à devoir interrompre le sommeil en journée pour s’alimenter. 

Deuxièmement, la nature du repas aura aussi un impact sur la qualité du sommeil. Une grande étude américaine2 a montré que plus l’alimentation est calorique et pauvre en nutriments, moins on dort. Par ailleurs, manger trop de sucres à index glycémique élevé et consommer de l’alcool augmenterait le nombre de réveils nocturnes. De même, manger trop de graisses saturées, telles que les charcuteries et les produits laitiers gras, rendrait le sommeil plus léger et rallongerait le temps d’endormissement. Citons aussi la consommation d’excitants comme le café, le thé ou encore le cacao qui agissent contre la somnolence en bloquant les récepteurs de l’adénosine. Ils ont une action stimulante jusqu’à 6 heures après leur ingestion, donc il est impératif de les éviter en fin de journée. Par ailleurs, la chrononutrition s’intéresse à l’heure et à la composition de nos repas pour déterminer l’alimentation idéale qui respecte notre horloge biologique et notre physiologie. En journée, consommer de bonnes protéines permet d’apporter de la tryptophane et de l’acide glutamique, deux acides aminés nécessaires à la fabrication de la mélatonine, de son précurseur la sérotonine et le GABA, un neurotransmetteur qui favorise le calme. Parmi les protéines de qualité riches en tryptophane, on citera les poissons crus ou vapeurs, les œufs de poules élevées en plein air, mais encore les légumineuses germées, les noix et graines pré-trempées, les algues, le pollen pour les végétariens. Certains aliments protéinés riches en tyrosines, comme la viande rouge et les avocats, devront être évités lors du dîner car ils vont diminuer la production de mélatonine le soir pour favoriser la synthèse de dopamine qui est surtout préférable le matin. Attention toutefois à ne pas faire de dîners trop copieux car cela perturbe le sommeil. Pour faciliter le passage du tryptophane dans le cerveau (qui sera transformé en sérotonine puis en mélatonine), le dîner pourra se faire sans protéines mais se composera avant tout de sucres à index glycémique bas. Parmi ces sucres, on citera les fruits aqueux ainsi que la consommation raisonnée de patate douce, de sarrasin, de quinoa, de lentilles ou encore de riz. Le passage du tryptophane dans le cerveau est aussi aidé par l’ingestion de sucres à index glycémique élevé de bonne qualité comme ceux présents dans les fruits denses vers 16-17 h. Notez que le jus de céleri branche fait baisser la température corporelle et est tout indiqué comme jus du soir. 

2 Source : National Health and Nutrition Examination Survey, 2013 (Grandner et al.) Dietary nutrients associated with short and long sleep duration. Data from a nationally representative sample. Appetite 2013.

LE RYTHME ET LE MODE DE VIE

Des horaires fixes de repas, mais aussi des activités physiques et sociales routinières, des rituels le soir avant le coucher, les heures auxquelles on va se coucher ou se lever de façon régulière, des habitudes et des routines en général vont participer à synchroniser notre horloge biologique et donc à améliorer notre sommeil. Le stress et le surmenage vont amener à des états d’hypervigilance et de pression d’éveil trop importants qui empêchent le corps d’augmenter sa pression de sommeil. À l’inverse, les loisirs, le contact social et le plaisir en général permettent de faire baisser l’hypervigilance.

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